Façades

Mad Momo

Cliquez sur la photo pour voir l’immeuble dans son état actuel

Pour Momo, la sécurité n’était pas une plaisanterie, mais il avait tendance à être excessif. Et quand il avait dévoilé son dispositif, beaucoup trouvaient qu’il exagérait, surtout les gens de la mairie, qui n’apprécièrent pas, mais pas du tout, cet étalage d’artillerie, sorti, d’ailleurs, dont ne sait où. (« On n »était’est pas en Amérique, merde ! », s’était exclamé le maire en découvrant l’étendue des dégâts).

Mais que fallait-il faire ?

On n’avait pas équipé la police municipale pour prendre d’assaut le Mur de l’Atlantique (Il aurait fallu doubler les impôts pour lui payer une paire de chars, mais ça aurait fâché les électeurs plus inquiets par l’insalubrité rampante, les invasions de rats et les rodéos de deux roues). Ce n’était pas avec leurs maigres tasers que les quelques gars de la brigade ramèneraient Momo à la raison, à deux doigts de la tombe, mais aussi docile qu’un ours sauvage. Son portrait péniblement brossé au rouleau compresseur par le correspondant local du quotidien régional leur faisait d’ailleurs dire, qu’après tout, les nids de mitrailleuses, les tourelles en acier, le fil de fer barbelé, les lance-grenades automatiques ou l’architecture en béton armé étaient des passions comme les autres qui cohabitaient très bien avec la paix et la tranquillité du quartier de l’Épeule.

Le canon de 75 sur la toiture et les deux nids de mitrailleuses aux balcons embrasèrent les joues passablement couperosées du Préfet dont l’émoi rauque, mais strident quand la rage le traversait, creva le tympan du premier édile lui narrant l’expérience d’auto-défense du citoyen Mohamed Cherif (Momo), retraité du textile et ex-chômeur au long cours.

Pour ses voisins, Momo, c’était Mad Momo. Il était persuadé que le monde allait s’écrouler et qu’il allait falloir se défendre. Sous la maison reposait 250 boîtes de sardines, 1000 bouteilles de 1l d’eau, 10 sacs de farine, du sucre, et d’autres vivres. De quoi tenir entre 9 et 12 mois sans sortir expliqua-t-il à ses copains du bar. Il avait une couchette où il pouvait lire, une télé avec une collection de plus de 1000 DVD, un ordinateur connecté à Internet par satellite au cas où. En un mot comme en cent, il était prêt.

Selon sa théorie; expliquée à un journaliste de la Voix du Nord, la fin du monde aurait lieu aux alentours de janvier 2027. Il était certain de ses calculs, confirmés par chatGPT. Et il ne se laisserait pas faire. Pour lui, l’armée russe serait aux portes de Roubaix avant même qu’on ne se rende compte. Il était prêt. Les autres n’auraient qu’à se démerder. Il ne partagerait pas son abri, sauf à une femme, car il fallait bien assurer la survie de l’espèce. Il avait fait des recherches sur Internet, mais la candidate idéale ne s’était pas encore présentée.

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